2000-2010

jeudi 23 janvier 2014










Fin 1999, après « Antigone » de Jean Anouilh, mise en scène par Jean-François Guitton, nous nous attaquons à « Mendiants d’amour » de Gérard Levoyer. La pièce est proposée à la troupe par Jean-Luc Emeraud, infatigable lecteur de la revue l’Avant-scène. Le groupe confie la mise en scène à Bernard Gapihan, qui poursuit ainsi sa carrière d’usurpateur, commencée avec la mise en scène de « Postich’valse », comédie de Flavie Solérieu et se retrouve aussi scotché devant la console Lumière, énigmatique jouet aux multiples curseurs...
« Mendiants d’amour » est une succession de 19 tableaux qui se présentent sous forme de collages » : autant d’occasions de délirer joyeusement sans mettre en danger la cohérence du patchwork.

Nous sommes onze et nous organisons, non, pas un match de football, une distribution des rôles « autogérée » (!) et régulée uniquement par les choix positifs des acteurs : chacun jouera forcément un rôle qu’il a choisi, même si, bien sûr, il a dû renoncer à d’autres rôles en les laissant à d’autres qui les avaient choisis aussi ... Méthode très certainement critiquable mais qui contribue à créer une belle ambiance de groupe ! Nous travaillons donc à fond les petits tableaux comme des petites perles, sans nous soucier d’abord de leur enfilage. Au magasin du surplus de l’Armée, nous trouvons de magnifiques uniformes imperméables, informes et kakis. Et c’est parti mon kiki ! La pièce est jouée au Festival de l’ADEC 56, dans la salle de sports du Roc Saint-André magiquement transformée en grand théâtre par les bénévoles du Festival.

Nous la jouons aussi au Festival de Chartres de Bretagne (35), à celui de Kerhervy (56) en 2001 et au Festival « Grains de grenade » à Bourg-Saint-Andéol en Ardèche (07), après 12 heures de car et une nuit blanche pour la plupart d’entre nous (pas tous ! ) sans compter les représentations du Roc Saint André, de Saint-Avé, de Ploërmel, Concoret, Pontivy...

Au retour du Festival de l’Ardèche, en Juillet 2002, dans l’euphorie de cette aventure, autour d’une table, l’idée germe de renouer, pour la saison suivante, avec l’écriture : Jean-Luc Emeraud avait écrit « ils se footent de nous », Jean-François Guitton « La Belle au Bois dormant », la troupe avait, elle, pratiqué l’écriture collective avec la création de « La Rumeur » en gallo.

Nous écririons donc le texte de notre prochaine pièce, cette fois encore, et ce texte serait composé des contributions de tous les volontaires à partir d’un thème : la faim. Ce qui fut dit fut fait : nous ne serions pas velléitaires sur ce coup-là non plus !, c’était décidé, c’était en marche : avec l’objectif de passer de l’écriture du texte à sa représentation publique sur un plateau. L’été passe et les premiers écrits arrivent, dès Septembre, un par un, pendant la saison 2002-2003. Nous mettons nos textes à l’épreuve de la lecture à voix haute, à l’épreuve du plateau, nous faisons des essais, des coupures, des ratures, des redécoupages, des réécritures. La mayonnaise semble prendre et quand on sent qu’elle va tourner, on la rattrape. Émerge alors (pas de la mayonnaise) le personnage central d’Esperanza : la pièce sera un voyage, cousu-décousu-recousu, fantasmé, entre les idées, les fantaisies, les espoirs de cette jeune femme en mal d’émancipation, en faim de devenir, et ses liens, ses attaches, ses empêchements, ses appréhensions.
Il faut être fou pour se décider à écrire une pièce ainsi nous-mêmes alors qu’il y a tant de bons auteurs qui ont déjà fait plus que leurs preuves dans l’écriture théâtrale. Nous avions décidé d’être fous, cette saison-là et de revenir aux auteurs ensuite : cela avait du sens pour nous d’écrire ainsi à ce moment-là, alors il nous fallait le faire. Mais la gestation et l’accouchement demandèrent et de l’énergie et du temps : nous dûmes aussi balayer les doutes et les multiples raisons qui ne manquaient pas de vouloir nous arrêter. Le schéma même de la pièce s’invite dans nos doutes, nos espoirs, nos découragements, nos espoirs.

Nous trouvons le titre : "Faim du soir ...espoir". Olivier Le Gal écrit la mélodie introduisant le spectacle. Jean-Sébastien Guitton compose et interprète la chanson "Fringales", écrite par Anne-Marie Le Brun (pour écouter un extrait, cliquer sur le mini-lecteur en bas de l’article à gauche). Christèle Gadet, Jean-Luc Emeraud, Jean-François Guitton, Anne-Marie Le Brun, Armelle Le Gal, Alexine Merveilleux et Bernard Gapihan apportent leurs textes. Luisa Tonini vient nous aider pour les moments "chorégraphiques", notamment pour le ballet des balais. Jamais les plateaux de théâtre n’auront été aussi propres après notre passage. Nous travaillons le fil, les filages, la lumière, les accessoires. Et voilà, la pièce naît sur le plateau, de "rien", juste de notre désir d’écrire, un an (ou même un peu plus) plus tôt. Tout disait qu’elle ne verrait pas le jour : nos rêves et notre détermination collective en ont décidé autrement. Affiche, préparation de la plaquette d’annonce du spectacle et c’est parti ! :

FAIM DU SOIR … ESPOIR
(Fantaisie à déguster)
« Faim du soir … espoir » est une salade composée, un patchwork chocolaté, un millefeuille acidulé, un collage cuisiné « maison ». Les ingrédients sont multiples, les plats variés et les sauces au choix. On y trouve de tout : un personnage affamé, un autre vraiment « bouffant », une consommatrice consommée, une aire de pique-nique pour le meilleur et pour le pire, des moustiques et des fruits à noyaux, du drôle, du sombre, du gai, du léger, du cocasse, de la dureté, de la tendresse … de l’envie … de l’espoir … Un personnage, Esperanza, traverse toutes ces situations cousues dans le fil de sa vie…en dix-huit petits gâteaux euh pardon …tableaux."

Extrait de "Fringales"
Texte d’Anne-Marie Le Brun
Composition musicale et interprétation : Jean-Sébastien Guitton





En 2006, quatre nouvelles personnes intègrent la troupe et nous partons sur le projet proposé par Jean-François Guitton : "La gelée d’arbre" de Hervé Blutsch. Pièce iconoclaste qui amusera et ... fera même parfois grincer quelques dents chez quelques spectateurs. Une pièce aux personnages acides, croquants et étonnants, tellement intéressants à jouer sous la direction de Jean-François, ... pièce aussi mystérieuse que son auteur. Elle sera jouée au festival de l’ADEC 56 à Josselin, à celui de l’ADEC-MTA à Chartres de Bretagne, à l’Asphodèle à Questembert.

Nous avons failli la jouer au "Festival d’Ozon le théâtre" de Séné ... mais la représentation a dû être interrompue au bout de cinq minutes, l’un des personnages (si encore ça n’avait été que le "personnage" !!!), un acteur plutôt (nous ne dirons pas qui) eut la bonne idée de se faire un beau claquage en ’live", plantant là le public, ses partenaires et les organisateurs pour plonger dans les coulisses et aller se balader en ambulance avec les pompiers.

Et ce ne fut pas le seul contretemps dont cette pièce nous fit cadeau ! L’avalanche de reports et d’annulations pour raison d’indisponibilités d’acteurs était-elle liée au caractère iconoclaste de la pièce ? Mystère ! Voilà une des raisons pour laquelle nous avons joué cette pièce jusqu’en Octobre 2010. L’autre raison est que trois d’entre nous ont participé de 2005 à 2008 au parcours de formation " de l’écriture à la scène " proposé par l’ADEC 56, formation très prenante qui a abouti à la réalisation de "L’Augmentation" de Georges Perec.


Commentaires

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lundi 26 mai 2014 à 22h08 - par  JL Emeraud

J’ai enfin pris le temps de relire toute cette belle histoire de "la Rumeur", avec de l’ émotion car cela a été pour moi la passion de trente années de ma vie !
Une fois de plus je reconnais le talent de Bernard. Non solo comme comédien, scénographe, metteur en scène mais aussi comme conteur. Alors que La Rumeur continue à se répandre avec autant d’énergie créatrice.
JL Emeraud

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samedi 1er février 2014 à 21h01 - par  Bernard Gapihan

Vous pouvez tous contribuer à ce travail de mémoire en créant, complétant, corrigeant ou multipliant les articles.
à vos claviers donc !
Bernard

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samedi 1er février 2014 à 18h57 - par  LE BRUN Anne-Marie

Merci Bernard pour tout ce travail de mémoire de la troupe.
C’est un vrai bonheur de revivre tous ces moments partagés.
La suite, la suite...

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dimanche 24 novembre 2013 à 13h20 - par  jfguitton

Si j’en juge par l’intensité de ma frustration en ouvrant cet article vide, je pense que les articles précédents étaient absolument passionnants !

Vite la suite de cette belle histoire ! Merci Bernard Gapihan d’être notre mémoire !

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